La situation en Aveyron :
250 médecins pour
100 000 habitants
20% de patients sans médecins
60 ans, l’âge d’une personne sur trois

Ils n’ont pas de place pour garder les patients, l’attente est longue et les erreurs médicales s’accumulent.
Laura Sincholle, infirmière libérale de ville à Rodez, témoigne sur l’impact du désert médical en Aveyron. A travers cet échange, elle nous raconte son quotidien et les difficultés auxquelles elle fait face dans sa profession.
Pouvez-vous vous présenter et nous présenter votre parcours ?
J’ai 25 ans, et ça fait 4 ans que je suis diplômée de l’école d’infirmière. J’ai commencé à exercer en centre de rééducation, dans un dans un service exclusivement cardiaque et pneumopathique, à Séméac. Par la suite, j’ai évolué vers un poste polyvalent, c’est-à-dire avec toutes sortes de pathologie et de patientèle. J’ai adoré ce que je faisais à Séméac mais à cause de la direction, j’ai dû démissionner car celle-ci ne voulait pas me garder en CDI.
J’ai débuté le libéral il y a 2 ans maintenant dans un cabinet, dans le centre ville de Rodez.
Avez-vous déjà dû refuser des patients par faute de disponibilité ?
Nous ne refusons pas les patients car nous n’avons plus de place, on refuse les patients car ils sont mal accompagnés. En effet, les Ruthénois aujourd’hui n’ont plus de médecins traitants et n’ont donc pas de suivi médical. Lorsqu’ils ont besoin de soin ou qu’ils sont malades, je suis obligée d’appeler le SAMU. Je ne peux pas les laisser dans leur état et mon travail ne me permet pas non plus de leur prescrire des médicaments.
On peut dire qu’aujourd’hui, nous n’avons plus de travail pluridisciplinaire. C’est-à-dire que les médecins, les kinésithérapeutes ou encore les dermatologues ne sont ni joignables ni disponibles pour suivre des patients et nous ne pouvons donc pas travailler avec eux.
Vous sentez-vous soutenu dans votre travail ?
Non, car les seules personnes qui nous soutiennent font partie de l’ordre infirmier toulousain, à Rodez il n’existe plus, il a fermé faute de personnel. Cependant, ils sont inexistants, c’est catastrophique. Lorsqu’on essaie de les joindre, il faut compter une demi-heure d’attente. Comme si on avait que ça à faire !
Comment se déroulent vos relations avec l’hôpital lorsque vous y adressez des patients ?
Nos relations avec l’hôpital sont très compliquées. Ils n’ont pas de place pour garder les patients, l’attente est longue et les erreurs médicales s’accumulent.
Si nous avons une question sur une prescription, nous pouvons passer une heure au téléphone avec l’hôpital car ils ne savent pas quel médecin était de garde. Les médecins ne se rendent pas compte que lorsqu’ils nous renvoient les patients de l’hôpital, on a personne pour nous aider. Il n’y a aucun suivi derrière dû à un manque de personnel médical sur le territoire. Mais malheureusement c’est comme ça et on n’y changera pas grand chose…

Témoignage :
La vie aux urgences vue l’intérieur
Marine Terral, infirmière aux urgences de Rodez, témoigne des changements mis en place aux urgences pour remédier au manque de médecins dans le département de l’Aveyron :
« Habituellement, il y a trois médecins durant la journée : deux qui interviennent à l’extérieur de l’établissement et un médecin posté aux urgences.
Il ne reste donc que ce médecin pour le secteur Unité Hospitalière De Courte Durée (UHCD), le médical, la traumatologie, et les urgences pédiatriques. C’est pour cette raison que les heures d’attente s’enchaînent et que l’agressivité des patients augmente.
Depuis un an, et pour pallier le manque de médecins, nous avons mis en place un système de régulation pour réorganiser les urgences. Les patients doivent composer le 15 avant de se rendre aux urgences, peu importe le traumatisme. Ils reçoivent alors une réponse médicale adaptée.
Les urgences ont ainsi pu réduire leur activité de 30 %, et ne reçoivent désormais que les urgences vitales. On peut donc prendre en charge les patients plus facilement et de manière totalement différente. C’est plus agréable, et il y a beaucoup moins de temps d’attente.
Pour les pathologies moins urgentes, comme un traumatisme à la cheville, les patients sont réorientés vers l’hôpital de Decazeville, où ils sont pris en charge plus rapidement. En contrepartie, nous recevons ceux de Decazeville qui nécessitent des soins vitaux.
Nous savons que dans les campagnes, il n’y a plus de médecins traitants. Les patients rencontrent énormément de difficultés pour trouver un généraliste. Aux urgences, nous avons ajouté un protocole : tous les patients malades sans médecin traitant qui se présentent aux urgences sont réorientés. Nous leur trouvons un rendez-vous chez un praticien dans les 24 à 48 heures ».

Écrit par Julie Bregieras, Justine Goulignac, Alicia Oddo et Agathe Velasco.



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