Le travail occupe en moyenne 1600 heures par an. Il prend donc une place très importante au cœur de nos préoccupations. Facteur de stress et de charge mentale, il peut être la cause d’un mal-être et donc un frein au bonheur. Mais quelle importance joue-t-il réellement sur notre bonheur au quotidien ? Est-il seulement une corvée quotidienne pour se nourrir, ou une opportunité de s’épanouir dans la réalisation de projet et une source de motivation ? Est ce que cela compte vraiment ? Entre parole d’expert et témoignage, il semble que les réponses soient plus nuancées que de prime abord.
Rencontre avec Alice Nobiron, Psychologue

Alice Nobiron est psychologue clinicienne à Toulouse. Elle est spécialisée dans les TCC (troubles comportementaux et cognitifs), et se forme aussi en psychologie positive. Photo: Burkhardt.
V.B: Alice, vous êtes psychologue clinicienne à Toulouse. Par votre activité, avez vous eu l’occasion d’accompagner des patient.e.s qui souffraient de déprime, ou même de dépression à cause de leur travail ?
De déprime, oui, très fréquemment, beaucoup de personnes exercent un travail qui ne leur plaisent pas ou dans des conditions qui ne leur conviennent pas. Cependant, la “déprime” est passagère, tandis que la dépression est un trouble psychique complexe et multifactoriel. Il est donc rare que le travail seul provoque une dépression. Toutefois, il est fréquent qu’un burn-out professionnel non soigné amène à une dépression.
V.B: Selon vous, quel rôle joue le travail dans le bonheur au quotidien ?
Au vu du temps que le travail occupe dans nos vies, il a assurément un impact sur notre bien-être au quotidien, qu’il soit positif ou négatif. Mais pour beaucoup, le travail est avant tout un moyen de gagner de l’argent. Attendre de lui un épanouissement comparable à celui apporté par les relations ou les loisirs peut donc générer de la souffrance.
V.B: On prend souvent l’angle du travail comme une charge supplémentaire pour la santé mentale, pensez-vous qu’il peut, au contraire, servir de remède ?
Tout à fait, même si je parlerai plutôt d’une ressource que d’un “remède”. Certaines personnes peuvent faire face à des événements de vie difficiles, parfois arrivant les uns après les autres. S’investir dans son travail, à condition que ce ne soit utilisé comme un évitement, peut être particulièrement bénéfique, en créant notamment un sentiment d’accomplissement et en renforçant l’estime de soi.
V.B: Parfois on ressent une certaine pression à prendre sa vie en main, à vivre à fond. Est-ce que ce n’est pas une sorte de violence cette injonction au bonheur ?
Absolument, et c’est surtout contre-productif. Le bonheur peut être cultivé, mais les pensées, souvenirs et émotions désagréables, tout comme la douleur, font partie de la vie. Il est possible d’apprendre à réduire leur intensité et leur fréquence, mais ces expériences restent inévitables et surtout utiles. C’est pourquoi il est nécessaire d’apprendre à les accepter plutôt que de lutter contre elles, pour s’engager ensuite vers une vie riche et en accord avec ce qui compte réellement pour nous.
V.B: Certaines personnes ressentent un manque de sens dans leur vie, surtout les jeunes adultes. Que diriez-vous à ces derniers ? Y’a t-il une urgence à trouver un travail qui donne du sens ou vaut-il mieux chercher ce sens ailleurs, comme dans le milieu associatif ?
Je pense que la volonté de mener une vie qui a du sens est assez universelle, mais cette récente injonction à trouver du sens dans son travail fait, je crois, beaucoup de mal, car ce n’est pas possible pour tous.
Propos recueillis par Valentin B.
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Propos recueillis et texte par Clara P.



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