Pendant près de 40 ans, il a façonné de ses mains les pierres de la cathédrale de Rodez. Bien qu’il ait raccroché les outils depuis bientôt trois ans, la passion de Dominique Vermorel pour son métier de tailleur de pierre demeure intacte. C’est au sommet de cette cathédrale si chère à son cœur que nous l’avons rencontré.

De la cathédrale de Rouen à celle de Strasbourg, en passant par le château de Bournazel, Dominique Vermorel a mis son savoir-faire au service des plus grands édifices, laissant sur chacun d’eux une trace discrète mais ineffaçable. « Ici, on est entre ciel et terre », confie-t-il en contemplant les hauteurs de la cathédrale de Rodez, où il a façonné la pierre pendant 40 ans. Parti chez les Compagnons à 15 ans, Dominique a voyagé pendant huit années avant de poser ses outils en Aveyron, « un département en dehors du temps ». 

De chantier en chantier, il a façonné non seulement la pierre, mais aussi sa propre vie. En 1988, Dominique crée sa propre entreprise, qui se développe rapidement et ouvre des agences à Auch et Narbonne pour travailler sur la restauration des cathédrales. Peu à peu, le tailleur de pierre passe du geste à la gestion : « J’étais davantage devenu un manager d’entreprise. Ce n’était plus mes mains qui travaillaient mais celles des autres, bien qu’elles étaient reliées ». Depuis 2023, ce sont ses deux anciens conducteurs de travaux et l’un de ses fils, Clovis, qui ont repris l’entreprise. Ils ont récemment mis leur savoir-faire au service de la restauration de Notre-Dame de Paris.

Entre visible et invisible

Pour Dominique, la cathédrale de Rodez est bien plus qu’un chantier : c’est un miroir du monde. « Le visible, c’est cette masse au milieu de la cité, immuable, qui nous regarde nous agiter autour. L’invisible, c’est ce qu’elle abrite : cette âme qui fait que, croyant ou non, on lève la tête quand on y entre », raconte-t-il. Il ajoute : « Cette cathédrale, comme toutes les autres, est un lieu chargé d’histoire. Chaque pierre porte la trace de la main de l’homme et de l’imperfection de cette main. S’il y a bien un symbole même de l’invisible et du visible, c’est bien une cathédrale ». A l’approche des 500 ans de l’achèvement du clocher, Dominique Vermorel ressent une émotion particulière. Après 40 années de travail sur le monument, il mesure l’ampleur de l’œuvre réalisée : démontage et reconstruction de la vierge, restauration des anges thuriféraires… Chacun de ces gestes, minutieux et exigeant, restera gravé dans sa mémoire et dans la pierre.

Bâtisseur d’hier et de demain

Aujourd’hui, Dominique se consacre à de nouveaux projets, tournés vers la transmission et l’héritage. Il n’a pas seulement exercé un métier, il a vécu une passion. Lorsqu’on l’interroge sur ce que représente le métier de tailleur de pierre, il répond avec le sourire : « On est un peu des passeurs du passé. On vit avec le passé, on le vit au présent et on le laisse pour le futur. Quand on dépose une pierre, on laisse une trace pour 400 ans ». Son travail traverse le temps. Il relie les bâtisseurs d’hier et ceux de demain. Son attachement pour la pierre, et notamment pour celle de Notre-Dame de Rodez, restera indélébile : « Toutes les pierres ici me parlent. Petites ou grandes, à mes yeux, elles ont toutes la même valeur ». 

Plus d’articles à retrouver dans le n°0 du magazine Le 12ème Regard.

Écrit par Anaëlle TERRIER, Candice LAVAL, Héloïse MARSIS et Kylian CASTRO

Un jeudi sur les planètes de la cathédrale Notre-Dame de Rodez, en compagnie de Dominique Vermorel, qui a façonné et préservé l’âme du monument. (photo : Candice LAVAL)