Gilles Tordjeman est un grand enfant de la photographie. Il a réalisé un de ses rêves de gosse : voyager, habiter à la campagne et vivre de sa passion. Il illustre cela par un slogan de 1968 : « Ça sert à rien de gagner sa vie, c’est la seule chose qu’on possède déjà. »
Enfant, Gilles se rend chez sa famille les dimanches midi. Comme souvenir, ils prennent une photo ensemble. Avec son costume du dimanche, Gilles se voit obligé d’y participer. Son père est le photographe officiel de la famille. Dès l’âge de 8 ans, Gilles ne supporte pas de se voir en photo. « J’ai l’impression qu’on me vole mon âme » exprime-t-il. Il ne veut pas laisser de trace de son physique. Fasciné par l’appareil photo de son père, c’est Gilles qui prendra désormais la photo de famille. « Pas de nostalgie du passé ». Gilles vit dans le présent et la photographie est un outil qui fonctionne un peu de la même manière : c’est le présent avec du recul.
Grâce à ses voyages, cet homme s’est créé une philosophie de vie qui le préserve de la société individualiste. « On est dans une conception linéaire de la vie mais on n’est jamais dans l’instant présent », s’exclame-t-il. Lors de son voyage en Afrique, Gilles apprend qu’il existe une « représentation circulaire » de la vie. La population qu’il a rencontrée « n’a pas de bagage du passé qui pèse sur leurs épaules ». Par rapport à la vie et à son métier, Gilles assure : « je n’ai jamais vécu d’aventures, je vis le quotidien ».
Son quotidien, c’est la photographie. Gilles ne travaille pas, il « exerce un métier ». Il est d’ailleurs fasciné par le paysage qui se donne à lui avec la lumière et veut « offrir aux gens des émotions ». Gilles déclare : « j’aime bien être dans des endroits un peu perdus, seul ». Lorsque qu’il fait des portraits, il prend ce qui lui provoque une émotion, « il doit y avoir un déclic entre une personne photographiée et moi », dit-il.
Ses rêves de gosse, Gilles a fait au mieux pour les réaliser. Il s’est battu pour ses idées et ce qu’il voulait. En 1968, le photographe a fait partie du groupe anarchiste doux « International Situationniste » dont les militants « mettaient du whisky dans leur cocktail Molotov ». Gilles n’a pas toujours eu cette vision du monde. Il raconte que lorsque il était enfant, ses parents lui cachaient qu’ils n’avaient plus de sous à la fin de l’année. « Je vivais dans un monde puis soudain on m’explique des choses et c’est pas ce monde là ». Ses voyages lui ont permis de redécouvrir la vie, notamment sur le continent africain. Gilles s’exclame : « j’ai l’impression de retourner à ma mère, mes sources lointaines ». Lors de ces voyages, « tu te retrouves tout seul, tout nu », « j’aime bien être dans des endroits que je ne connais pas, j’ai l’impression de renaître » dit-t-il. Il faut « savoir regarder le monde avec des yeux neufs ».
Avant de voyager, Gilles a été guitariste, cuisinier, photographe, ce sont « trois métiers passions ». En tant que photographe, il a travaillé au journal du Conseil Départemental de l’Aveyron et a pu découvrir le territoire. Aujourd’hui, il ne travaille plus pour un patron et ça tombe bien puisqu’il n’aime pas ça : « je déteste travailler pour quelqu’un sauf s’il est plus compétent que moi ». Dans son association, à Decazeville, ils sont dix au bureau et il y a dix chefs. Malheureusement, 80% des photographes ont disparu de Rodez. Ils ne sont plus qu’une dizaine et plus de 150 auto-entrepreneurs . « N’importe qui peut s’installer photographe », regrette-t-il.
Sa photographie préférée est celle « qui s’impose à soi », dit-il. Elle date de plus de 10 ans et c’est une vue aérienne du Lévézou. La lumière est douce, elle vient en contradiction avec le climat hivernal et les gens parfois rugueux. Avec cette photographie, c’est le moment de la vie qui importe plus que la photo en elle-même.
Gilles Tordjeman est le grand enfant de Rodez qui à su faire vivre ses rêves.
Claire Depreux & Roxane Galliano
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