Sœur Anne-Claire, membre de la communauté des sœurs de l’abbaye de Bonneval, raconte l’histoire de leur chocolaterie.

Certaines abbayes optent pour la bière, d’autres pour le fromage, à Bonneval, c’est le chocolat. C’est au cœur de la campagne aveyronnaise, que vit une communauté de sœurs autant religieuse qu’ouverte sur le monde. Sœur Anne Claire dépeint l’histoire de cette chocolaterie, dont les mets qui en sortent font sa renommée, jusqu’à atteindre les maîtres chocolatiers suisses, belges et luxembourgeois. 

En réalité, c’est chose courante qu’une industrie se trouve au sein d’une abbaye. L’ensemble des monastères sont censés suivre la règle de Saint-Benoît datant du VIe siècle. Ces derniers doivent trouver une activité leur permettant de vivre du travail de leur main, car cela “fait partie de la spiritualité monastique ». Les moines sont vraiment moines s’ils vivent d’une activité. Finalement, la question que se pose tout monastère est : « Quelle activité va-t-on faire pour gagner notre vie ? ». 

Lorsque les sœurs sont arrivées au XIXème siècle, Bonneval était une jolie vallée de l’Aveyron mais qui ne possédait que très peu de terrains agricoles. Il leur a donc fallu trouver une autre activité lucrative pour pouvoir vivre. C’est grâce à tout un réseau monastique que la communauté de Bonneval a entrepris de bâtir la chocolaterie, que l’on retrouve encore aujourd’hui au cœur de l’abbaye.

Jusqu’au début du XXIe siècle, la communauté était composée de 78 sœurs qui faisaient vivre la chocolaterie. Mais ces dernières années, n’étant plus assez nombreuses pour produire seules, elles ont pris la décision d’embaucher des chocolatiers. Ce choix leur a permis de conserver la production de la chocolaterie, mais aussi de créer des emplois, afin de participer davantage à la vie économique locale. « C’est tout un réseau de vente d’artisanat monastique qui s’est créé en France et en Europe », permettant aux sœurs d’exporter aujourd’hui leur chocolat en Belgique, au Luxembourg, et même en Suisse. 

La renommée de la chocolaterie s’est construite autour d’un énorme atout de production: un chocolat directement fabriqué à partir de la fève de cacao. Ce qui est chose rare. C’est une garantie de qualité qu’assurent les sœurs. En plus de posséder un outillage exceptionnel, elles garantissent aux clients un chocolat 100% cacao et 100% naturel. Argument très concret, mais qui s’impose de nos jours presque comme une nécessité où une majorité de personnes tient à savoir ce qu’il y a dans leur assiette. C’est avec certitude que sœur Anne Claire explique que l’image de marque monastique des produits, et le lien de confiance installé avec la clientèle depuis maintenant un bon nombre d’années, a permis à la chocolaterie de jouir d’une certaine réputation. Et c’est humblement que la communauté des sœurs de Bonneval s’inscrit dans cette tradition de création. 

L’existence de la chocolaterie a malgré tout profondément changé leur mode de vie : « Ça nous oblige à sortir de notre zone de confort, mais c’est bien. C’est aussi ça qu’on cherche. Quelque chose qui nous pousse à grandir, à aller de l’avant. »

Une vie religieuse mais qui ne signifie pas pour autant coupée du monde. Présentent sur les réseaux sociaux et sur leur site internet, les sœurs s’affairent à allier tradition monastique et présence numérique. Et comme le dit sœur Anne Claire : « C’est la vie ! ». « Si l’on veut vivre en tant que personne et en tant que communauté, il faut aller de l’avant” bien qu’elle ne cache pas leur peur de s’ancrer dans ce changement. Le plus grand défi n’était finalement pas d’apprendre un nouveau mode de vie mais plutôt de ne pas perdre leur identité. C’est un choix de valeur qu’elles ont eu à faire pour garder avant tout, une démarche de recherche de Dieu et de lecture de la Bible.

Hermine BAROUH