Jean-Philippe Savignoni est conteur du patrimoine pour la ville de Rodez. Pourtant, il n’était pas destiné à exercer ce métier peu commun : après avoir obtenu son baccalauréat, il a suivi une formation pour obtenir un Diplôme d’Études Comptables Supérieures. Mais comme il s’ennuyait, il a décidé de déposer le bilan pour passer des comptes aux contes, comme il le dit lui-même. Il raconte son parcours.

Jean-Philippe Savignoni travaille au service patrimoine de la ville de Rodez en tant que conteur du patrimoine. C’est un homme qui a le goût d’écouter, de parler et de partager. Avec son équipe, il multiplie les recherches dans les archives et recueille de nombreux témoignages : grâce à ce travail, il peut montrer des photos à son public ou leur faire écouter la musique du guitariste corse enterré dans un cimetière de Rodez. A travers son travail, Jean-Philippe Savignoni « vend du souvenir », de la mémoire ou encore du patrimoine. Il essaie de partager ses récits avec les touristes, mais aussi avec les aveyronnais curieux de mieux connaître les histoires de leur département ou de leur région. Dans ce but, il a travaillé avec le musée Fenaille à l’élaboration d’une série de vidéos intitulée « Musée Hommes ». Dans ces dernières, il rencontrait des historiens, des archéologues aveyronnais, mais aussi d’autres personnes dont le travail touchait à l’Histoire de l’Aveyron. Il s’intéressait à tout ce que ces personnes savaient, mais aussi à leur parcours. Puis il s’est mis à filmer d’autres gens : un forgeron, le dernier droguiste de la préfecture, le judoka qui a apporté sa discipline à Rodez dans les années 1950… Il a essayé, et continue, de réunir une palette de souvenirs, d’histoires en tout genre, afin de former une sorte de vidéothèque de la mémoire. Il filme des personnes âgées qui lui racontent la guerre, la libération, ou bien d’autres choses pour créer « un espèce de bonhomme de neige du souvenir ». Quand il utilise cette expression, c’est en référence à la citation de Shakespeare suivante : « Que devient le blanc une fois que la neige fond ? ». Le conteur du patrimoine comprend ici que le célèbre dramaturge se demande ce qu’il reste des gens quand ils s’en vont. Il essaie donc de créer des bonhommes de neige éphémères qui font revenir des personnes et leurs souvenirs, ne serait-ce que l’espace d’un instant.

Adolescent, les cours d’histoire n’intéressaient pas celui qui fait pourtant de ce sujet son métier aujourd’hui. Il décrit le Jean-Philippe d’alors comme introverti et timide, comme si les mots étaient prisonniers en lui. Rien ne laissait donc penser que quelques années plus tard, celui qui faisait des études de comptabilité utiliserait ces mêmes mots qui étaient bloqués en lui pour faire voyager dans le pays des souvenirs des cars entiers de touristes. Avec le temps, il a compris que si les cours d’Histoire avec un grand H ne l’intéressaient pas, c’est parce qu’il préfère les histoires : les données chiffrées de la conquête Napoléonienne vont moins l’intéresser que les aventures humaines qui en ont découlées.

Si ce vendeur de souvenirs partage ses connaissances sur le patrimoine aveyronnais, il a tout de même ses petits préférés. La Chapelle de l’ancien collège des jésuites a pour lui la saveur de ses débuts : c’est là-bas qu’il a fait sa première visite en tant que guide, lors de journées portes ouvertes. Le jeune homme introverti a alors eu deux révélations : d’une part, il a constaté sa passion pour le partage de souvenirs, mais d’autre part il a découvert une certaine intimité avec les « fantômes ». En effet, quand il raconte leur vie, il les fait en quelque sorte revenir, ou du moins leur souvenir. L’opportunité de ce travail s’est offerte à lui lorsqu’il est entré au service culturel et communication de la mairie de Rodez, par le biais des Travaux d’Utilités Communautaires.

Par temps confiné, vous pouvez lire l’un de ses nombreux recueils coécrits dans lesquels vous retrouverez de nombreuses histoires insolites aveyronnaises.

Margaux COUDERC

Photo d’Antonin Pons-Braley